Noémie
au jardin,
Au jardin le lilas embaume, la pivoive explose la sanguinité de son cœur au beau milieu de sa couronne ivoire. Quelle majesté! Un port de reine!
Parfum du lilas, entêtant, qui me rappelle mon enfance et ce petit coin de jardin sauvage, tout près de la rivière ... Jouxtant la maison coloniale de Noémie Carbonneau, notre voisine, la maison aux merveilles, dans laquelle j'aimais découvrir, au grès des envies de sa propriétaire, quelque trésor caché au fond d'une armoire.
Albums photos, coquillages rapportés de cette île lointaine, précieux flacons et pièce d'argenterie, suffisaient pour nourrir mon imaginaire, il n'en fallait pas plus pour transcender l'ordinaire des jours.
Un jour moi aussi je voyagerai, moi aussi je découvrirai le monde, je serai l'héroïne d'une vie de rêve.
Noémie racontait sa vie, ses amours, ses fils, je me sentais sa confidente, j'étais fière!
Comme elle j'égrenais le calendrier, je savourais le rytme des saisons, j'attendais le courier, le retour inespéré de l'enfant prodigue.
Je vivais sur un petit nuage, je goûtais chaque instant en sa compagnie, j'aurais fait n'importe quoi pour lui être agréable.
Chez elle tout était délicieux , nous partagions le régime sans sel, le Colin du vendredi, la tisane aux poils de maïs, la soupe de légumes, la compote de rhubarbe, les framboises exquises.
Le lilas, le séringat, les roses pompons, et le muguet en sous-bois de ce petit jardin de mon enfance... Sur le muret au sud les cascades de rosiers grimpants, blancs eux-aussi, le pommier du Japon , et au milieu trônait un cerisier.
Nous chantions le temps des cerises, l'omelette de Pâques, le bleu de la vierge, les lys nous charmaient quand venait le mois de Marie, ( le joli mois de mai).
C'est de ce temps là que je garde au cœur le goût exquis des compositions blanches et bleues que nous offrions à la fraîcheur de la petite église du village, ces dimanches de mai, sous le regard bienveillant de St Antoine de Padoue, vers qui ma grand- mère maternelle "Mané" de son petit nom, nous conduisait.
Je savais très peu de chose de la religion, mais j'avais compris qu'il n'y a de repos qu'éternel, que la vie était un chemin semé d'embuches, qu'elle même n'avait rencontré que des épines!