la jolie rousse,

Publié le par Michèle

Voici ce que j'aimerai vous dire,

s'il m'était donné un jour, le dernier de mes jours,

ou juste après mon dernier souffle, en guise de dernière requête:

Ce poème de Guillaume Apollinaire.

 


Me voici devant tous un homme plein de sens,
Connaissant la vie, et de la mort ce qu'un vivant peut connaître;
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour,
Ayant su quelquefois imposer ses idées;
Connaissant plusieurs langages,
Ayant pas mal voyagé.

Je sais d'ancien et de nouveau, autant qu'un homme seul
pourrait des deux, savoir;
Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette guerre
Entre nous, et pour nous, mes amis.


Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention,
De l'Ordre, de l'Aventure,
Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu,
Bouche qui est l'ordre même.


Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre,
Nous qui quêtons partout l'aventure;
Nous ne sommes pas vos ennemis!


Nous voulons nous donner de vastes et d'étranges domaines,
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir.
Il y a là, des feux nouveaux, des couleurs jamais vues,
Mille phantasmes impondérables,
Auxquels il faut donner de la réalité.


Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait,
Il y a aussi le temps, qu'on peut chasser ou faire revenir;
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'avenir.

 
Pitié pour nos erreurs, pitié pour nos péchés.


Voici que vient l'été: la saison violente,
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps.


O Soleil! c'est le temps de la raison ardente
Et j'attends,
Pour la suivre toujours, la forme noble et douce
Qu'elle prend, afin que je l'aime seulement;
Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant.


Elle a l'aspect charmant
D'une adorable rousse,
Ses cheveux sont d'or, on dirait
Un bel éclair qui durerait,
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent.


Mais... riez de moi
Hommes de partout, surtout gens d'ici!
Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire,
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire.
Ayez pitié de moi

Guillaume Apollinaire


 

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