être femme...c'est pas si facile

Publié le par Michèle

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Ségovent/ littéralement "qui coupe le vent", c'est le nom de la ferme dans les bois au-dessus de Chalabre, où vécurent mes grands-parents maternels avant de venir à "La métairie blanche" à Ste Colombe.

Antoinette et Joseph, avec leurs deux filles aînées Honorine et Mireille. Hono et Mireille descendaient chaque jour à l'école par le petit chemin qui longe la forêt, dans le vent la pluie ou la neige, une bonne marche de quelques kilomètres. En février 2010, j'ai suivi Georges pour ce parcours de reconnaissance, le paysage est très exposé aux vents en effet, la forêt est belle . Fermant les yeux, je les imaginais joyeuses sous le ciel bleu, pendant qu'il racontait.


La vie c'est difficile! me disait ma grand-mère, elle qui était venue d'ailleurs, exilée de son Italie natale pour s'extirper de la misère, du malheur tout tracé...

sans instruction, sans argent, avec son mari et ses enfants, pour tout bagage quelques sacs, une malle en bois

vous imaginez bien...

Dotée d'une énergie sans faille, je me souviens de la femme un peu rude, droite, d'une détermination consciente; combien elle  me semblait grande et forte.
Toujours active: dans son jardin, sa cuisine, prenant soin de ses lapins, ou bien encore penchée sur quelques travaux d'aiguilles, sa table de couturière improvisée sur la table de la cuisine. La cuisine avec son poêle, une vraie pièce à vivre!
A la craie elle traçait sur le tissu, faisant naître en quelques heures l'esquisse d'une robe prochaine dont nous avions ensemble fièrement croqué le modèle! Puis venait la découpe avec ses grands ciseaux, j'en ai acquis un modèle dans une brocante dernièrement.

Chemin faisant elle me racontait son histoire, son Italie, était-ce du rêve ou la réalité, fiction? j'y croyais ferme!

Je l'ai reprise à mon compte cette histoire, mon histoire!

C'est ainsi que bercée d'italien, majoritairement ma langue maternelle, j'ai enfoui au fond de ma mémoire quelques recettes goûteuses, des parfums de basilic, de beignets, oreillettes et confitures.

Le soir tombé, les yeux montraient parfois quelques signes de fatigue, et pourtant, la lecture alors prenait toute la place, parfois aussi elle me demandait de lire à haute voix, elle n'avait pas été à l'école, écrivait le français comme elle l'entendait.


De ma soeur j'ai reçu copie d'une recette écrite de sa main "le lapin aux pruneaux de mané", une vraie perle, pour moi c'était Mané, (elle était ma marraine), dès lors elle était Mané pour tous.

Après ma naissance, ma mère étant restée allitée quelques semaines en raison d'une phlébite, c'est elle qui prit soin de moi, il semble que je m'employais alors à la sagesse pour ne pas venir la surcharger à la ferme,

sans doute aussi avais-je senti qu'il fallait respecter sa peine, puisqu'elle venait de perdre son mari (mon grand-père) dans les mois précédant ma venue au monde...


J'entends encore l'émotion de ma mère évoquant cette période mêlant grande tristesse et bonheur d'accueillir son enfant. Une vie s'éteint une autre commence: combien ce doit être difficile pour une jeune femme ce partage de sentiments. De là sans doute aussi pour moi la pudeur à l'évocation de tout ce qui touche ma petite enfance, quelque chose d'impossible à exprimer... Je ne pleurais jamais semble-t-il...

Bébé fragile, je m'accrochais résolument à la vie, bien déterminée à mon tour à prendre toute ma place et me faire entendre, mes premiers souvenirs remontent à l'âge de 3 ans quand j'enfourchais mon premier tricycle !

 

Sachant que l'on ne peut compter sur personne pour  faire à sa place, j'avais intégré à la faveur de son exemple et en vivant à ses côtés, que je devrais réussir ma vie par mon combat; les échecs qui ne manqueraient pas d'advenir, et  peut-être quelques victoires!

  J'ai acquis au fil du temps cette tranquille assurance que chaque jour est un jour nouveau , l'un après l'autre, ainsi on s'approprie la vie, précieuse, inestimable , le seul bien qui restera jamais..

Chacun est l'artisan de sa vie, trace son sillon avec constance, patience, plus tard m'est venu la colère, la révolte, l'obstination, le désir farouche de changer le monde. 

Qu'as-tu fais de ta vie?

Comprenez: qu'as-tu fais de ton chemin, de ton parcours de vie? ...maison... entreprise... voiture ... chevaux, moto, bateau... que sais-je encore, un patrimoine? patri-moine, patrie? celle des humains! mon humanité en somme !

Qu'ais-je fait de ma vie?

Un jardin, un jardin d'amour que je cultive jour après jour! Même en 100 ans je n'aurai pas le temps... de tout faire, de leur donner à tous, de donner à chacun, d'accompagner, de sourire, de rassurer, de réconforter, de dorlotter, de câliner, de bercer... "mieux on remplit sa vie moins on craint de la perdre" !
A mon tour j'accompagne, je prends soin, je tente de donner du sens au chemin parfois bien tortueux des âmes,

d'éclairer par un peu de lumière,

je panse, je mets les maux en mots,  je tricote des histoires de vie qu'il faut reprendre souvent, une maille par ci, une maille par là..  je me nourris de la rencontre des femmes et des hommes.

C'est bien ça, je suis une femme comblée!

Je sème, je bine, je laboure, j'arrose, je protège, je sarcle, je désherbe, je bêche, je multiplie, je bouture ! Comme des fleurs

je respire les parfums des saisons des hommes, la senteur des jours heureux, la terre est lourde à mes pieds les jours d'hiver, la froidure et le givre m'engourdissent... qu'importe!

Après l'hiver vient le printemps, et puis le temps des cerises, l'été, les moissons...

 

Aujourd'hui je revendique chacun de mes choix, chacun de mes actes posé, chaque rupture aussi, qui fonde un parcours.

Je n'emporte rien, je suis riche du temps, de tout ce que j'ai perdu, je suis légère au vent,

je promets d'être sage, de laisser au cadran l'aiguille tourner ma page....IMG 2406

 

 

" Chemin heurté mais toujours droit. Nids-de-poule, ronces, oasis, menaces et tempêtes : l’indépendance coûte cher. Il n’est pourtant de prix que je ne consente un jour à payer pour elle.

Propriétaire de ma vie, de mes pensées et choix. Ainsi me suis-je construite. Avec l’aide d’autres, mais sans avoir rien volé de tout ce que j’ai conquis."

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